Les obligations fiscales des entreprises en matière de prix de transfert et de fiscalité internationale
Renforcement des obligations et du contrôle en matière de prix de transfert
Etat des lieux avant la loi de finance de 2024
L’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) définit les prix de transfert comme : “les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées”.
Ces prix sont importants car ils déterminent les bénéfices imposables de chaque entité et peuvent avoir un impact sur la répartition des revenus entre entités d’un même groupe et résidentes d’États différents : ils supposent donc des transactions intragroupes et le passage d’une frontière.
Les entreprises sont concernées par cette notion lorsqu’elles réalisent des opérations de ventes de biens et de marchandises, les prestations de services intragroupes (frais d’administration générale ou de siège, mise à disposition de personnes ou de biens, relations financières, redevances de concession de brevets ou de marques…).
Les autorités fiscales françaises s’assurent que les prix de transfert sont établis conformément aux principes de pleine concurrence, c’est-à-dire qu’ils reflètent les conditions qui auraient été convenues entre des parties indépendantes dans des transactions similaires par le biais de 3 obligations :
- L’obligation de documentation des prix de transfert : article L. 13 AA et L. 13 B du LPF ;
- L’obligation de déclaration des prix de transfert : article 223 quinquies B du CGI ;
- L’obligation de déclaration pays par pays ou Country-By-Country-Reporting.
Dans un objectif de lutte contre les fraudes fiscales, la loi de finances de 2024 a introduit des dispositions majeures à son article 116 en matière de prix de transfert. Ces nouvelles mesures visent donc à renforcer les obligations documentaires des contribuables et à faciliter leurs contrôles par l’administration.
- Abaissement des seuils de l’obligation documentaire : article L.13 AA du LPF :
Jusqu’au 31 décembre 2023, l’article L.13 AA du livre des procédures fiscales imposait seulement aux plus grandes entreprises de tenir à disposition de l’administration, en cas de vérification de comptabilité, une documentation qui permette de justifier les politiques de prix de transfert mises en œuvre au sein du groupe auquel elles appartiennent. En effet, cette obligation ne concernait pas beaucoup d’entreprises au regard du seuil qui était fixé à 400 millions d’euros.
Ainsi, n’étaient soumises à cette obligation que les entreprises dont le chiffre d’affaires ou l’actif brut est supérieur ou égal à 400 millions d’euros (ou qui détiennent ou sont détenues, directement ou indirectement, majoritairement par une entité juridique remplissant ce seuil ou sont membres d’une intégration fiscale dont une entreprise excède ce seuil).
Désormais, l’obligation documentaire prévue par cet article concerne :
- Les sociétés françaises avec plus de 150 millions € de CA ou d’actif brut ;
- Sociétés françaises détenant, directement ou non, une société (française ou étrangère) avec + de 150 millions € de CA ou d’actif brut ;
- Les sociétés françaises détenues, directement ou non, par une société (française ou étrangère) avec + de 150 millions € de CA ou d’actif brut ;
- Les sociétés faisant partie d’une intégration fiscale au sein de laquelle une personne morale a + de 150 millions € de CA ou d’actif brut.
La réduction de ce seuil tend à élargir le champ d’application de cette obligation à un plus grand nombre d’entreprises.
- Opposabilité de la documentation des prix de transfert : renversement de la charge de la preuve par la modification de l’article 57 du CGI
L’article 57 du CGI qui tend à prévenir le transfert à l’étranger de bénéfices normalement imposables en France en offrant à l’administration la possibilité de réintégrer aux résultats de l’entreprise les bénéfices irrégulièrement transférés vers l’étranger, s’est vu compléter un alinéa.
En effet, en plus de la présomption simple de transfert indirect lorsqu’il est établi :
- L’existence de liens de dépendance de droit ou de fait entre l’entreprise française et des entreprises étrangères ;
- L’existence d’un transfert de bénéfices au profit de l’entreprise étrangère : il s’agit d’avantages anormaux consentis à ces entreprises sous forme de majorations ou de minorations de prix ou de tout moyen de transfert analogue.
La loi de finances intègre l’alinéa suivant : “ Lorsque la méthode de détermination des prix de transfert s’écarte de celle prévue par la documentation mise à la disposition de l’administration par une personne morale en application du III de l’article L. 13 AA ou de l’article L. 13 AB du livre des procédures fiscales, l’écart constaté entre le résultat et le montant qu’il aurait atteint si cette documentation avait été respectée est réputé constituer un bénéfice indirectement transféré au sens du premier alinéa du présent article, sauf si la personne morale démontre l’absence de transfert soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen”.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2024, il existe en France une présomption simple de transfert indirect de bénéfices à l’étranger lorsque la méthode de détermination des prix de transfert pratiquée est différente de celle documentée et mise à la disposition de l’administration fiscale.
- Renforcement des sanctions en matière de prix de transfert
Les entreprises doivent tenir à disposition de l’administration, en cas de vérification de comptabilité, une documentation qui permette de justifier les politiques de prix de transfert mises en œuvre au sein du groupe auquel elles appartiennent.
Ladite documentation doit être disponible en cas de contrôle fiscal à première demande. Si cette documentation n’est pas disponible à ce moment, la société disposera d’un délai de 30 jours (prolongeable une fois), à compter de la mise en demeure.
L’article 1735 ter du CGI qui prévoit les sanctions applicables en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle à la demande de l’administration fiscale de présentation de la documentation sur les prix de transfert est modifié à ce jour.
En effet, l’amende minimale initialement prévue s’élevait à 10.000 euros ; elle est désormais portée à 50.000 euros par exercice vérifié. Cette amende peut atteindre le plus élevé des montants entre : 0,5% du montant des transactions non documentées ou 5% du montant des rectifications fondées sur des transferts indirects de bénéfices à l’étranger (article 57 du CGI).
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