Dans une décision en date du 4 mai 2023, la CJUE confirme la nécessité de soumettre à un régime de TVA identique (exonération en l’espèce) les divers éléments constitutifs d’une prestation unique afin de préserver la cohérence du système de TVA.
Présentation du contexte
La présente affaire concerne une situation où, entre 2010 et 2014, un contribuable a loué un bâtiment avec des équipements et des machines fixés de manière permanente. Les équipements étaient spécifiquement adaptés à l’utilisation du bâtiment (élevage agricole).
Selon le contrat de bail à ferme, le contribuable a perçu une rémunération unique pour la location du bâtiment, des équipements et des machines. Celui-ci a estimé que l’intégralité de cette prestation était exonérée de TVA. Cependant, l’administration fiscale a contesté cette exemption, soutenant que la location des équipements et des machines ne bénéficiait pas de l’exonération de TVA et que 20 % de la rémunération correspondant à cette location devait être assujettis à la TVA. Cette divergence d’interprétation a conduit à des avis d’imposition rectificatifs pour les années concernées.
La juridiction allemande (Finanzgericht) a statué en faveur du contribuable, considérant que la mise à disposition des équipements et des machines était une prestation accessoire à la location du bâtiment, et donc exonérée de TVA de la même manière que la location du bâtiment. L’administration fiscale a fait appel de cette décision devant la Cour fédérale des finances allemande (Bundesfinanzhof), qui a renvoyé la question à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
La problématique relative au régime d’exonération de TVA soulevée devant la CJUE
La question préjudicielle portait sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c) de la directive TVA. La juridiction de renvoi s’interrogeait sur le traitement de la location d’équipements fixes dans le contexte d’un contrat d’affermage lié à la location d’un bâtiment. Plus précisément, elle cherchait à savoir si l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), s’appliquait à la location d’équipements et de machines fixes lorsqu’elle constitue une prestation accessoire à la location principale du bâtiment, et si ces prestations forment une prestation économique unique suceptible de pouvoir bénéficier de l’exonération de TVA.
La solution donnée par la CJUE
La CJUE souligne que lorsqu’une opération économique est composée de plusieurs éléments ou actes, il faut tenir compte de toutes les circonstances pour déterminer s’il s’agit d’une prestation unique ou de plusieurs prestations distinctes. Lorsqu’il existe une prestation économique unique, les prestations accessoires partagent le sort fiscal de la prestation principale en matière de TVA.
La CJUE considère que, dans le cas présent, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si les prestations de location du bâtiment et des équipements forment une prestation économique unique. Si tel est le cas, la prestation accessoire de location des équipements suivra le régime fiscal de la prestation principale. La Cour rappelle également que l’article 135, paragraphe 2, de la directive TVA ne nécessite pas la fragmentation artificielle d’une opération économique unique en prestations distinctes.
La CJUE répond à la question préjudicielle en indiquant que l’article 135, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), de la directive TVA ne s’applique pas à la location d’équipements fixes lorsque cette location est une prestation accessoire à la location principale d’un bâtiment, réalisée dans le cadre d’un contrat d’affermage conclu entre les mêmes parties et exonérée en vertu de l’article 135, paragraphe 1, sous l), de cette directive, et que ces prestations forment une prestation économique unique.
Application et extension du principe posée par la CJUE
On notera que dans certaines de ses décisions antérieures, la Cour de justice de l’Union européenne a déjà établi que la location de biens immobiliers et les services associés à cette location peuvent être considérés comme une seule prestation en matière de TVA lorsque leur relation est si étroite qu’elles constituent objectivement une prestation économique indivisible, ou lorsque les services doivent être considérés comme accessoires à la location d’un bien immobilier (CJUE 16 avril 2015, affaire 42/14 : RJF 7/15 n° 666).
Ainsi, afin de déterminer s’il s’agit de plusieurs prestations principales distinctes ou d’une prestation unique, il est essentiel d’analyser les caractéristiques fondamentales de l’opération en question. Cette évaluation doit prendre en compte toutes les circonstances entourant la location et les prestations qui y sont liées, y compris les termes du contrat de location, les méthodes de facturation et de tarification des prestations, ainsi que la possibilité, pour le locataire, de choisir le prestataire. Ces éléments peuvent servir d’indices pour déterminer si la prestation est unique ou non.
La CJUE confirme ainsi ses précédentes positions jurisprudentielles en précisant cette fois-ci le caractère indissociable de certaines opérations pouvant bénéficier d’un régime d’exonération de TVA. On pense ainsi à nombre de bailleurs immobiliers bénéficiant d’un régime d’exonération de TVA particuliers qui pourront éventuellement repenser leur stratégie fiscale en évaluant les possibilités d’inclure dans le périmètre de leur exonération de TVA les prestations accessoires qu’ils sont amenés à fournir dans le cadre de leur contrat de bail.
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